Alexandre Soljenitsyne est une vraie figure culte de l’antisoviétisme. Elle est devenue également une des figures de référence de toutes les campagnes politiques antirusses. En 2018 les autorités russes ont initié de grandes célébrations en l’honneur de Soljenitsyne. 2018 a été déclaré l’année Soljenitsyne. Le pouvoir a ainsi fait fi du rejet catégorique de ce personnage par la majorité de la population russe actuelle. Pourquoi ?
Les travaux de Soljenitsyne ont constitué la principale source de fausses données concernant l’ampleur des répressions politiques en URSS. Ils ont servi de bélier pour détruire le pays moralement et idéologiquement. Pourtant des recherches historiques récentes ont mis en lumière à maintes reprises le caractère falsificateur des informations diffusées par Soljenitsyne. En outre, des études de la biographie de cet écrivain ont révélé de nombreux faits très ambigus. De sorte que ses déclarations emphatiques sur son principe moral de « ne pas vivre dans le mensonge », paraissent manifestement tenir d’une tartufferie. La mise au grand jour de la vérité sur Soljenitsyne est vitale non seulement pour la Russie mais également pour les peuples d’Occident, aujourd’hui totalement désorientés et plongés dans le désespoir, incapables de forger un projet d’avenir digne de ce nom. Le passé sali et brouillé par les manipulateurs et falsificateurs doit être nettoyé pour que les Français, les Allemands, les Italiens et d’autres nations puissent dépasser le désarroi et la torpeur qui les ont envahis.
Le vrai visage d’Alexandre Soljenitsyne Fichier pdf
L’année 2018 a été officiellement déclarée en Russie « Année Soljenitsyne » en l’honneur du 100e anniversaire de l’écrivain. Des géants de la littérature russe, comme Maxime Gorki (150e anniversaire) et Ivan Tourgueniev (200e anniversaire), en 2018 n’ont été célébrés que par de petits événements locaux. Il va de soi que cette année n’a pas été non plus Année Karl Marx, dont le 200e anniversaire n’a été fêté que par une simple soirée de débats télévisés sur une chaîne centrale.
La célébration de Soljenitsyne, en revanche, s’est vue consacrer d’énormes ressources administratives et financières. Des événements de grande envergure sont attendus le 11 décembre, le jour de son anniversaire.
La municipalité de Moscou ainsi que des municipalités d’autres villes ont érigé de nouveaux monuments à Soljenitsyne. Des bâtiments historiques ont été transformés en musées qui lui sont dédiés, des musées existants ont été réaménagés. De nombreuses expositions ont vu le jour, notamment à Londres, à Paris, à Berlin… Le ministère de la culture russe a financé des groupes de chercheurs pour la rédaction de commentaires d’une nouvelle édition de l’Archipel du Goulag. Des subventions ont été accordées pour la création de documentaires et de longs métrages. A Moscou on a construit un nouvel immeuble de 5.500 mètres carrés « Maison de l’émigration russe Alexandre Soljenitsyne ».
Il faut souligner que tout cela se fait avec de l’argent du contribuable, qui, dans sa majorité rejette et déteste « le dissident le plus célèbre » ! Car, Soljenitsyne était un écrivain qui a répandu des flots de venin contre son pays, contre son peuple et contre ses ancêtres, qui a parlé avec sympathie des collaborateurs, des traîtres, des banderistes. Il a reçu le surnom « Vlassov littéraire ». En tapant dans un moteur de recherche russe « Soljenitsyne », on tombe, en haut de la liste, sur « traître de sa patrie », « Judas », « classique du mensonge », etc.
De nombreuses distorsions historiques contenues dans les écrits de Soljenitsyne ont été utilisées pour justifier idéologiquement la Perestroïka et la destruction de l’Union Soviétique. Dans les années 1990, l’entreprise de transformation de la Russie en une « Suisse du Nord pour elle-même », opérée par les admirateurs de Soljenitsyne, a conduit le peuple aux conflits armés, à la misère, aux suicides et maladies, à la régression.
La conception de Soljenitsyne, fondée sur la falsification des faits historiques, culpabilise le peuple pour avoir pris le pouvoir en 1917 et lui impute un repentir perpétuel. Cette attitude est rejetée par une énorme majorité de la société russe actuelle.
Au cours des dernières années, de nombreuses publications ont vu le jour, aussi bien sur le contenu des livres de Soljenitsyne, que sur sa personnalité. Ces études ont révélé au public des mécanismes jusque-là inconnus, au moyen desquels a été fabriquée l’image de Soljenitsyne comme « prisonnier d’opinion ». Certains faits de sa biographie montrent la véritable motivation de ses agissements. Sa biographie n’apparaît nullement comme un exemple de persévérance et de « force morale » pour lesquelles il a reçu son prix Nobel. Son Archipel du Goulag d’une qualité littéraire médiocre n’a été qu’un outil meurtrier de la propagande anti-soviétique. Et il n’est surtout pas une source historique fiable sur les réalités de son pays natal. Sa biographie correspond plutôt à celle d’une personne guidée essentiellement par la soif de la gloire et l’instinct de survie.
Alexandre Soljenitsyne est né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk, dans le sud de la Russie, dans la famille d’un riche paysan. Son père est mort au front de la Première guerre mondiale. La maison de Soljenitsyne à Kislovodsk a été nationalisée en 1924. Soljenitsyne a déménagé avec sa mère à Rostov-sur-le-Don, où ils ont vécu dans des conditions modestes. Sa mère était croyante. Elle travailla néanmoins comme sténographe et dactylographe dans des structures administratives.
Pendant sa scolarité (de 1926 à 1936) Soljenitsyne a été Pionnier, membre du Komsomol, excellent élève et activiste. A l’âge du lycée, Soljenitsyne s’intéresse à la littérature et commence à écrire des essais et des poèmes. D’après sa biographie officielle (sur Wikipédia), en 1937, il a eu l’idée d’écrire un grand roman sur la révolution de 1917.
Tout en étant étudiant en maths-physique à l’Université de Rostov, Soljenitsyne a eu la possibilité – rarissime à cette époque – d’obtenir une deuxième formation supérieure par correspondance. C’était un diplôme en lettres modernes. Il en ressort que Soljenitsyne était bien vu des administrations soviétiques. Il était un excellent étudiant, touchait une bourse Staline, faisait du travail public bénévole : il était rédacteur en chef du journal mural de sa fac et délégué de sa promotion. Soljenitsyne était membre exemplaire du Komsomol aux yeux des autorités, il étudiait les classiques du marxisme et prononçait des discours ardents lors de réunions du Komsomol.
Cependant, une fois à l’étranger, Soljenitsyne a commencé à affirmer que tous les susdits éléments biographiques ne représentaient que le côté extérieur de sa vie d’alors. Il était certainement nécessaire de montrer à l’Occident qu’il avait combattu depuis le plus jeune âge contre le « régime », en observant scrupuleusement les règles de prudence, afin de ne pas tomber dans les griffes de la NKVD.
C’est donc quand qu’il mystifiait ? Durant son enfance, à l’adolescence ou alors plus tard, lorsqu’il exhortait les autres à « ne pas vivre dans le mensonge », tout en déformant son passé pour plaire au lecteur occidental ? S’adaptait-il de cette façon déjà dans sa jeunesse ?
Le 22 juin 1941, l’Allemagne hitlérienne a attaqué l’URSS. Presque tous les jeunes autour de Soljenitsyne se sont immédiatement fait mobiliser, mais pas Soljenitsyne. Natalya Reshetovskaya, sa première femme, a déclaré que « Soljenitsyne possédait un certificat médical lié à des problèmes nerveux ». Ce certificat a été obtenu par le biais du père d’une camarade de classe encore en temps de paix. Lorsque les troupes allemandes se sont approchées de Moscou, Soljenitsyne a finalement reçu sa convocation. Mais, d’après ses propres affirmations, au lieu de « l’artillerie désirée », cet excellent mathématicien a été envoyé dans un bataillon de transport hippomobile pour devenir « chauffeur de jument », jusqu’en mars 1942 (et ce, dans les conditions de pénurie d’officiers).
Puis, en mars 1942, le « chauffeur de la jument » a été intégré dans une école d’artillerie. Il semblerait que l’obtention d’une place à cette école était une initiative de Soljenitsyne lui-même. Notez qu’au printemps 1942, un bataillon de transport hippomobile au nord-ouest de Stalingrad risquait de se retrouver sur la ligne de front.
Ayant obtenu son diplôme d’école d’artillerie à la fin de 1942, Soljenitsyne a été nommé commandant du renseignement de l’artillerie. Son unité était située à 5-20 km de la ligne de front et travaillait avec des instruments permettant le repérage des cibles ennemies. La batterie de Soljenitsyne a commencé à participer aux combats au plus tôt au début de la bataille de Koursk, c’est-à-dire en juillet 1943. 19 jours après le début de cette bataille, le 26 juillet 1943, le commandant de la division a présenté Soljenitsyne à l’ordre de la guerre patriotique du 2e degré. Un mois plus tard, il a été promu lieutenant.
Il est curieux qu’à en juger par les souvenirs de Soljenitsyne lui-même, il se comportait avec ses subordonnés comme un vrai petit tyran : il envoyait ses hommes sous des balles, il cherchait à gagner des faveurs des supérieurs ; il a même créé une cellule de punition sur sa batterie.
De bonnes relations avec les autorités ont permis à Soljenitsyne de faire ce qu’il n’était pas permis à tous. Par exemple, il a pu faire venir sa femme au front (elle n’était pas militaire), moyennant de faux papiers militaires. Et elle a vécu avec lui pendant un mois en mai 1944. Il a pu également obtenir un congé à Rostov-sur-le-Don et à Moscou, également en 1944.
Le 9 février 1945, Soljenitsyne a été arrêté. Cela faisait un an qu’il écrivait à sa femme et à ses amis des lettres dans lesquelles il critiquait les dirigeants de l’Armée rouge et évoquait la nécessité de changer le gouvernement de l’URSS après la guerre. Nombre d’historiens pensent, citations de ses lettres à l’appui, que Soljenitsyne envoyait de telles lettres exprès, préférant être puni, plutôt que de rester au front. Sachant qu’il savait parfaitement que les lettres étaient lues par la censure militaire.
À cause de Soljenitsyne, son camarade d’école Nikolaï Vitkevitch (à qui Soljenitsyne adressait ses lettres) a eu des ennuis. D’autres correspondants n’ont pas été arrêtés.
Contrairement à Vitkevitch, qui a été envoyé aux mines de charbon pour 10 ans à Vorkouta, Soljenitsyne a purgé sa peine de 8 ans près de Moscou. Bientôt, il s’est retrouvé dans une « charachka » (laboratoire secret de recherche ou travaillaient des prisonniers) en tant que mathématicien. Soljenitsyne a collaboré avec la NKVD en informant les autorités de l’état d’esprit et des conversations des prisonniers. Son pseudonyme était « Vetrov ». Pendant toute la durée de son emprisonnement, en raison de sa collaboration, Soljenitsyne bénéficiait de privilèges et obtenait des postes de bibliothécaire, de directeur de production, etc. Il a eu la possibilité de lire beaucoup ; il voulait même apprendre l’anglais ; il a écrit un grand poème… Il est vrai qu’il a passé ses derniers deux ans et demi de réclusion (jusqu’en février 1953) dans un camp de travail du régime général au Kazakhstan. Mais ce n’était pas la Sibérie. Et il n’a jamais affirmé d’avoir subi pendant ce temps d’outrages physiques.
À la suite de la campagne lancée par Khrouchtchev lors du 20e Congrès du PCUS contre le « culte de la personnalité » de Staline, Soljenitsyne a réussi de se faire réhabiliter en 1957. Il s’est installé à Riazan, à 200 km de Moscou, travaillant comme professeur de mathématiques.
La première œuvre de Soljenitsyne, la nouvelle Une journée d’Ivan Denissovitch, a été publiée en 1962 dans la revue « Novyj mir », le périodique culte de l’intelligentsia soviétique. Cette publication a été précédée par une action de communication sans précédent dans le monde littéraire. En fait, flairant l’atmosphère après le 22e Congrès du PCUS, un des camarades de Soljenitsyne de la charachka, Kopelev, a porté le manuscrit à la maison d’édition. Et Soljenitsyne a été immédiatement invité à Moscou. Une puissante campagne de promotion a été lancée, suite à laquelle la nouvelle de Soljenitsyne a été tirée dès la première année à 1,5 million d’exemplaires, ce qui est proprement incroyable.
Khrouchtchev était directement impliqué dans cette fabrication d’un nouveau grand nom de la littérature. Soljenitsyne a été immédiatement intégré à l’Union des écrivains de l’URSS. En effet, les insuccès de la politique intérieure de Khrouchtchev ont poussé celui-ci à déclencher une nouvelle vague d’hystérie anti-Stalinienne au début des années 1960. Cela s’est soldé par le 22e Congrès où le nom Staline a été traîné dans la boue et après lequel son corps a été sorti du mausolée. Il était nécessaire de préparer pour cela le terrain par des moyens littéraires et artistiques. La prose de Soljenitsyne tombait pour cela bien à propos.
Cependant, en 1964, la nouvelle de Soljenitsyne, présentée pour le prix Lénine de littérature, ne l’a pas reçu. Bientôt Khrouchtchev lui-même a été démis de ses fonctions. La personne de Soljenitsyne, choyée jusque là par le pouvoir, est devenue soudain inutile.
À partir de ce moment, Soljenitsyne a décidé de ne plus être loyal envers les autorités, de faire opposition et de tabler sur le soutien de l’étranger, et de la partie dissidente de l’intelligentsia soviétique. En 1966, Soljenitsyne s’est lancé dans des activités liées à ces milieux (réunions, discours, interviews pour des journalistes étrangers). En 1969, il a été exclu de l’Union des écrivains de l’URSS. Tombé dans la disgrâce, il a été aussitôt popularisé en Occident. Ses œuvres ont été imprimées en urgence ; le boom Soljenitsyne a commencé. On préparait le public pour l’attribution du prix Nobel à cet écrivain débutant, auteur d’un seul roman et de trois nouvelles.
Il faut savoir que Soljenitsyne n’a pas reçu le prix Nobel pour L’Archipel du Goulag, car ce livre n’avait pas encore vu le jour. Cet ouvrage, le plus antisoviétique de toutes ses productions, n’a été publié qu’en 1974, par la maison d’édition YMCA Press à Paris, avec le consentement de Soljenitsyne. Immédiatement, une réunion du Politburo du Comité central du PCUS, a décidé d’arrêter et déporter l’écrivain. Mais, contrairement à la décision du Politburo, Andropov, qui dirigeait alors le KGB, a insisté pour que Soljenitsyne soit « déporté » à l’étranger. Manifestement, le KGB dirigé par Andropov a joué un rôle bien ambigu dans la promotion de Soljenitsyne. Qui a trouvé opportun de mettre un tel atout dans les mains de l’Occident qui était en lutte contre l’URSS ? Et pourquoi ? Nous ne pouvons être sûrs de rien car de nombreux documents sur Soljenitsyne ne sont toujours pas déclassifiés. Mais, il apparaît avec de plus en plus de clarté que le 5e département du KGB (lutte contre la diversion idéologique), créé par Andropov, représentait en réalité un foyer anticommuniste, au sein duquel a germé la Perestroïka.
Arrivé dans le monde capitaliste, Soljenitsyne a été utilisé pour une attaque sans précédent contre l’URSS. L’image de Soljenitsyne en tant que martyr, opposé au système totalitaire, a donné à Reagan l’occasion de déclarer l’URSS être « l’empire du mal », d’adopter une loi sur les « nations captives » (qui existerait en Union soviétique), de mener une propagande effrénée pour miner l’image positive de l’URSS (au regard des classes laborieuses du monde entier), et pour détruire les mouvements de gauche ?
Quelle était la base factuelle du roman L’Archipel du Goulag, promu en Occident comme une véritable source historique sur l’URSS, et prudemment défini par l’auteur lui-même comme « essai de recherche artistique » ?
Soljenitsyne a déclaré que pour rédiger cet ouvrage, il avait réuni plus de 200 histoires de témoins oculaires, qu’il a intégrées dans le roman… Et c’est tout ? Soljenitsyne a travaillé sur son roman en secret. Donc, il n’était pas question d’aller voir dans les archives. Sans parler du fait qu’il n’était même pas historien professionnel pour pouvoir y demander accès, et, ajoutons-le, pour savoir y trouver quoi que ce soit.
En octobre 1982, à New-York, lors de la conférence de presse consacrée au 20e anniversaire du magazine «La religion dans les régions dominées par les communistes», l’épouse de l’écrivain, Natalya Solzhenitsyna, a déclaré que Soljenitsyne avait reçu une aide considérable de l’organisation YMCA. Le bulletin de la branche russe de YMCA publié à Paris, lui aurait servi de source d’information.
Depuis la fin du 19e siècle, l’Union chrétienne de jeunes gens (UCJG ou YMCA), a développé un réseau international très ramifié, présent dans de nombreux pays. De fait cette organisation a fonctionné comme un agent d’influence étrangère. L’YMCA supervisait le corps tchécoslovaque en Russie, qui s’était révolté au printemps 1918 en donnant le coup d’envoi à la Guerre civile. Toutes les structures de l’YMCA ont été fermées en Russie soviétique depuis 1918. Après cela, l’YMCA a concentré ses efforts sur la coopération avec l’immigration russe blanche d’orientation antisoviétique à Prague et à Paris. Depuis l’époque de Khrouchtchev, l’YMCA a de nouveau eu des entrées en Russie. Ses membres, par exemple, faisaient partie d’équipes d’expositions françaises.
Dans les années 1920 et 1930, plusieurs grands philosophes russes émigrés, notamment Berdyaev, ont travaillé à l’YMCA. Ils ont créé la majorité des mythes antisoviétiques diffusés par la première vague anti-bolchevique, puis par la propagande de Goebbels, avant de finir par se retrouver dans L’Archipel du Goulag.
Dans le premier volume de L’Archipel, Soljenitsyne, parle de 55 millions de victimes des répressions en URSS. Il fait, en effet, référence aux données d’un certain I. A. Kourganov, qu’il appelle « professeur de statistique émigré ».
Notons que I. A. Kurganov (Koshkin) était un économiste soviétique, auteur de nombreux manuels de comptabilité et professeur des universités de Leningrad et de Moscou dans les années 1930 et 1940. Pendant la Grande Guerre patriotique, il s’est intentionnellement retrouvé dans la zone d’occupation et est passé du côté des Allemands. Il a collaboré avec les vlassovistes et a travaillé au « Comité de libération des peuples de Russie ». Après son émigration aux États-Unis, il a écrit plusieurs ouvrages « soviétologiques », affirmant notamment que l’URSS, de 1917 à 1959, par la faute du gouvernement soviétique, a perdu plus 65 millions de vies.
Cependant, la seule personne qui a véritablement et minutieusement étudié les archives est l’historien Viktor Zemskov. Zemskov, soit dit en passant, ne peut absolument pas être taxé de « pro-soviétique ». Eh bien, selon lui, le nombre de personnes condamnées entre 1921 et 1954 pour l’activité contre-révolutionnaire s’élève à 3.777.380. La peine capitale a été prononcée contre 799.455 ; 2.634.397 ont été condamnés à la réclusion dans des prisons et camps de travail ; 413.512 ont été déportés ; 215.942 ont été condamnés à d’autres formes de peine[i].
Le rôle de Soljenitsyne ne se limite pas à la falsification monstrueuse des chiffres. Ses œuvres forment un fondement pour l’idée de repentance du peuple pour son histoire. Leur attitude est de maudire non seulement la Russie soviétique, mais toute l’histoire de la Russie, à commencer par Ivan le Terrible, parce que le développement en Russie a suivi un chemin différent de l’Occident. Si la modernisation occidentale était fondée sur l’atomisation de la société, la modernisation de l’Union soviétique reposait sur l’unité et la fraternité, sur la priorité claire de l’intérêt général par rapport aux intérêts privés. C’est cela, et rien d’autre, qui a été qualifié de totalitarisme. C’est ce que Soljenitsyne appelle le « péché », exigeant un procès de Nuremberg contre la Russie.
Que pensait-il du fascisme et de la victoire de l’URSS ? « Et si les Allemands avaient gagné? Il y avait un portrait avec une grosse moustache. On l’aurait remplacé par celui avec une petite. Voilà tout! », disait-il.
Que quelqu’un puisse ne pas aimer l’URSS, cela peut encore se comprendre (même s’il y avait joui d’importants privilèges). Mais pour un écrivain russe, l’aversion pour ses propres camarades, pour son propre peuple, est irrévocablement compromettante. Soljenitsyne rompt par là avec la tradition littéraire russe d’amour et de compassion, la tradition de Tolstoï, Dostoïevski, Tchekhov. C’est peut-être pour cette raison que les personnages de Soljenitsyne laissent l’impression d’êtres artificiels et privés de toute vérité psychologique.
Parlant du style de Soljenitsyne, les critiques relèvent son langage pseudo-folklorique tordu, son intonation hystérique, son manque de connaissance de la vie du peuple, sa manière confuse d’expression.
Voici ce qu’a écrit J. Beam, ancien ambassadeur américain en l’URSS : « Soljenitsyne créait des difficultés à tous ceux qui avaient affaire avec lui. L’un de ses anciens éditeurs Russes m’a dit que les premières versions de ses manuscrits étaient une masse verbeuse mais indigeste qu’il fallait organiser en un tout cohérent. Le manuscrit original de son Une journée d’Ivan Denissovitch, que Khrouchtchev a permis de publier, était trois fois plus long que le livre achevé et il abondait de vulgarismes et passages obscurs, qu’il était nécessaire de retravailler »[ii].
Aujourd’hui en Russie et en Europe, la carte Soljenitsyne a été ressortie, pour nous apprendre à vivre. Pourquoi le célébrer avec une telle envergure ? Parce que Soljenitsyne est nécessaire aux possédants russes et occidentaux pour justifier l’élimination des acquis sociaux et l’effacement de la mémoire de l’expérience réussie de la construction du socialisme, pour que le peuple reste déprimé et renonce à jamais à la Révolution et au projet soviétique.
Mais les citoyens russes ont pris conscience de l’abîme où les a conduits la Perestroïka. Malgré la propagande des autorités, ils réagissent violemment aux falsifications de l’histoire soviétique. La Russie n’accepte pas ces mensonges, même s’ils sont rabâchés sans cesse.
[i] Cf. Земсков В. Сталин и народ. Почему не было восстания. М.: Алгоритм, 2014 [Zemskov V. Staline et le peuple. Pourquoi il n’y a pas eu de soulèvement. Moscou: Algoritm, 2014].
Voir également : Getty, J. Arch, Gábor T. Rittersporn, and Viktor N. Zemskov. “Victims of the Soviet Penal System in the Pre-War Years: A First Approach on the Basis of Archival Evidence.” The American Historical Review 98, no. 4 (1993): 1017–49. https://doi.org/10.2307/2166597.
[ii] Jacob D. Beam, Multiple Exposure: An American Ambassador’s Unique Perspective on East-West Issues. New York : Norton, 1978.